Le « secret médical » n’existe pas mais beaucoup de personnes croient le contraire !

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Publié le par chez Proformed . Modifié le

Laurent Puech nous propose un regard très intéressant sur le « secret médical », voici son article !

Lorsque j’interviens dans des formations ou conférences sur le thème du secret professionnel, il m’arrive d’évoquer la question du fameux « secret médical ». Et je vois systématiquement dans l’auditoire des visages étonnés lorsque j’ose une affirmation que certains pensent in-croyable.

Résultat de recherche d'images pour "le secret medical"" Encore me faut-il expliquer ce que l’expression « secret médical » recouvre. Une définition peut être proposée au regard de quelques critères communément associés à cette expression : un secret professionnel différent, propre aux médecins, plus impératif et protégé que les autres secrets professionnels, juridiquement différent de ces autres secrets , concernant les seuls éléments médicaux relatifs à une personne. Voici quelques-uns des traits qui paraissent cerner ce que le terme englobe et que j’entends de la part de professionnels du social, du médico-social et du médical.

Cela produit parfois des réactions et prescriptions de pratiques étourdissantes.

Une professionnelle de service social me confiait s’être retrouvée un jour mise en accusation par une responsable hiérarchique qui lui reprochait d’avoir partagé une information à caractère médical avec un autre professionnel du social. Cette professionnelle exerçait en protection de l’enfance et agissait dans le respect des conditions inscrites à l’article L226-2-2 du code de l’action sociale et des familles. Mais non, pour la responsable hiérarchique, il s’agissait d’une rupture de… « secret médical » ! Elle semblait donc rattacher le « secret médical » à la nature de l’information (ici en effet médicale).

Autre situation : dans une équipe soumise au secret professionnel selon l’article L1110-4 du code de la santé publiquele médecin comprenait fort bien que les autres professionnels transmettent des informations s’ils l’estimaient nécessaire mais affirmait que lui, en tant que médecin soumis au « secret médical », en avait l’interdiction formelle. Il y avait pour lui une différence entre ce qui lui apparaissait comme deux formes de secret et d’obligations auxquelles les professionnels de cette structure étaient tenus.

Secret médical ou secret professionnel ?

Qu’est-ce que le « secret médical » ?  Les précisions du juriste Bruno PY (Le secret professionnel, coll. La justice au quotidien, L’Harmattan, 2005, pages 15 et 16) sont ici les bienvenues :

« Longtemps employée, l’expression « secret médical» garde encore parfois en pratique la préférence des médecins. Au « secret médical », il serait pourtant plus logique de substituer la formulation contemporaine de « secret professionnel », telle qu’elle apparaît désormais dans le Nouveau Code pénal.

Il faut souligner, que ce prolongement de l’usage n’est pas qu’une simple habitude de langage. Il apparaît, en effet, que la locution « secret médical» est aujourd’hui à écarter parce que doublement erronée.

D’une part, elle laisse à entendre qu’il y aurait un secret spécifique des médecins, ce qui n’est plus le cas, les médecins n’étant plus nommément cités dans le Code pénal, pas plus que les pharmaciens, les avocats, les notaires ou les prêtres. Plus grave encore, certains imaginent à tort qu’un secret médical serait une information accessible aux seuls médecins, comme si le titre professionnel de Docteur en médecine conférait à son titulaire un sésame de libre accès exclusif au dit secret. Ce qui n’est pas le cas. Nous verrons que, dans l’hypothèse d’un secret partagé, le critère de licéité de l’échange n’est pas le titre professionnel mais l’utilité pour le patient (…). Le médecin sera ainsi amené à échanger des informations, pourtant secrètes, avec des non-médecins tels que l’infirmier ou le pharmacien.

D’autre part, utiliser la formule de « secret médical » est une erreur dangereuse si l’on imagine qu’elle recouvre uniquement un secret portant sur des informations de nature médicale. Le médecin étant tenu de conserver secrètes toutes les informations intimes qu’il acquiert à titre professionnel, un bon nombre de données portera sur des éléments non-médicaux (filiation, émotion, sexualité, patrimoine, etc…). (…)

Pour mettre un terme aux erreurs de sens que produit la notion de « secret médical », il est indispensable de lui préférer l’expression légale de « secret professionnel», quitte à préciser qu’il s’agit en l’occurrence du « secret professionnel du médecin ».« 

L’expression « secret médical » est clairement une appellation mais pas une catégorie particulière de secret au regard de la loi. 

Pour le Conseil de l’Ordre aussi, « secret médical » égale simple appellation

L’Article 4 du code de déontologie médicale (article R.4127-4 du code de la santé publique) est rédigé sans ambiguité : « Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. »

C’est bien le secret professionnel qui s’impose à tout médecin. Et les informations concernent, comme pour tous les autres professionnels du travail social ou médico-social soumsi au secret, tout ce qui a été confié, vu, entendu ou deviné. 

Dans ses commentaires de l’article 4, le Conseil National de l’Ordre des Médecins précise encore « Le secret professionnel du médecin ou secret médical – les deux termes sont employés indifféremment (…) », montrant ainsi que le « secret médical » n’est en rien différent du secret professionnel au regard de la loi.

Quelques spécificités existent cependant pour les professionnels de santé soumis au secret professionnel.

Quelques spécificités du secret professionnel des professions médicales

Le niveau de secret professionnel est le même pour une information confiée à l’assistante sociale ou au médecin. Tous deux sont soumis au secret et encourent les mêmes sanctions prévues au 226-13 du code pénal en cas de violation du dit secret.

Tous deux peuvent aussi, lorsque la loi l’autorise, partager cette information.  Un médecin peut comme l’assistante sociale partager une information à caractère secret sous réserve de respecter les conditions énoncées par l’article L226-2-2 du code de l’action sociale et des familles. Tous deux peuvent signaler la situation d’un mineur en danger ou d’une personne adulte vulnérable à une autorité administrative ou judiciaire par exemple, comme prévu au 1° du 226-14 du code pénal

Par contre, au risque d’étonner (une fois de plus ?) le lecteur, le médecin peut parfois signaler des situations, acte interdit à l’assistante sociale. C’est par exemple le cas dans certaines situations énoncées par le 2° du 226-14 du code pénal telles que des sévices ou privations que le professionnel a constaté sur une personne majeure. Un signalement au Procureur de la République peut (non-obligatoire) être fait par le médecin sous réserve que la personne adulte concernée en soit d’accord. L’assistante sociale ne peut, elle, pas procéder ainsi. Elle travaillera à aider la personne à se protéger si elle est encore dans une situation de risque avéré, accompagnera cette personne à signaler les faits et déposer plainte si elle le souhaite. 

Comparaison secret médical fantasmé vs secret professionnel réel

Si je reprends la liste des critères données en introduction, on mesure l’écart entre le « secret médical » tel qu’imaginé et le secret professionnel des professions médicales :

  • Un secret professionnel différent ? Non. Un secret professionnel pour certaines catégories de professions qui travaillent dans l’intérêt de la personne qui se confie et dans un contexte de libre-adhésion, ce qui est commun à plusieurs professions. Donc, un secret professionnel semblable à celui d’une assistante sociale de secteur par exemple.
  • Un secret propre aux médecins ?  Non, un secret professionnel qui est aussi celui de tous les professionnels de santé.
  • Un secret plus impératif et protégé que les autres secrets professionnels ? Non plus. Les mêmes interdictions et autorisations de partage d’informations dans la plupart des cas. Et même parfois, comme dans l’exemple donné ci-dessus, une autorisation plus large de partage, donc moins de secret garanti par la loi…
  • Un secret juridiquement différent de ces autres secrets ? Non encore. C’est l’article 226-13 du code pénal qui s’applique avec un même niveau de sanction possible en cas de violation de secret. 
  • Un secret concernant les seuls éléments médicaux relatifs à une personne ? Heureusement que non. Tout ce qui aura été vu, entendu, compris ou deviné comme le prévoit la jurisprudence pour tous et le précise l’article 4 du code de déontologie médicale.

L’expression « secret médical » a une histoire et one change pas une histoire facilement. Surtout si l’expression recouvre chez certains l’idée d’une supériorité. La relation entre secret et pouvoir est une dimension souvent présente. Elle perdure parce qu’elle est véhiculée, voire entretenue par certains, et avec elle la confusion et les représentations qui y sont associées. Elle est toujours présente, probablement parce qu’elle fait partie de notre culture depuis longtemps. Enfin, il est possible qu’elle nous rassure. Après tout, nous allons tous chez le médecin. Et nous avons besoin de penser que notre santé et nos secrets seront en de bonnes mains.

Mais si l’appellation existe, le « secret médical » tout comme le « secret partagé » sont des expressions fausses et trompeuses. 

Laurent Puech

Pour informations, vous pouvez trouver ici toutes les informations concernant notre formation sur le sujet : https://www.proformed.fr/formations/le-secret-professionnel-2018/https://www.proformed.fr/formations/le-secret-professionnel-2018/