Sexualité de la personne âgée en institution
À l’occasion de notre formation sur la VIE AFFECTIVE ET SEXUALITÉ DE LA PERSONNE ÂGÉE par Valentin Emeric, neuropsychologue, nous avons décidé de vous parler de la sexualité chez les personnes âgées.
« Travailler auprès des personnes âgées, c’est décoder sans cesse à travers leurs réactions, même les plus difficiles, choquantes ou bien détestables, ce besoin insatiable d’aimer, d’être cajolé, touché, entouré d’affection et de soins pour leur corps. Tout signe de tendresse les bouleverse.»
Besoins affectifs et sexualité des personnes âgées en institution. Holstensson et Rioufol. Masson ed.2000
Définir la Sexualité :
- Une Pulsion de vie (EROS) qui nous accompagne de la naissance à la mort.
- Plurielle dans ces différents aspects, elle intéresse :
- Le corps : toucher,caresses,regard,étreinte,génitalité,orgasme…
- La psyché: sentiments et émotions,relations à l’autre et à soi…
- Le mental: rêves,fantasmes,désir…
- L’existentiel: les valeurs, le regard que pose chaque individu sur sa sexualité…
Sexualité des personnes âgées institutionnalisées : quelle réalité ?
- Physiologie selon Masters & Johnson (1966)
Réponse sexuelle selon l’âge chez la femme d’après Masters et Johnson.
Réponse sexuelle en fonction de l’âge, chez l’homme, d’après Masters et Johnson.
- Pratiques sexuelles individus de 80 à 102 ans
Breitschneider,Mc Coy in Dr Colson « vieillissement et sexualité masculine, aspect psychologique et conjugaux »
Les modifications de la physiologie sexuelle de la personne âgée n’empêchent pas une sexualité satisfaisante si le désir est là.
Exemples d’expressions de la sexualité rencontrées dans mon unité :
- Un couple (83 et 88 ans) s’est formé dans l’institution et madame est venue rejoindre monsieur dans notre unité.
- Une résidante (85 ans) qui présente des troubles cognitifs modérés et qui a déjà reçu à plusieurs reprises des résidants dans sa chambre.
- Une autre, très dépendante (83 ans), que nous surprenons fréquemment (puisque nous rentrons dans sa chambre sans attendre, après avoir frappé à la porte) alors qu’elle se donne du plaisir.
- Un client (89 ans) qui, il y a peu, avant que le corps médical ne lui pose une sonde urinaire, était surpris (même raison) alors qu’il se masturbait. Une importante collection de revues pornographiques l’a accompagné chez nous.
- Une résidante (90 ans), dont je suis référent, souffrant de troubles cognitifs, me demande régulièrement pourquoi je ne viens plus lui faire l’amour.
- Un résidant (90 ans), tout à fait bien psychiquement souffre de solitude affective et aimerait pouvoir encore serrer une femme dans ses bras et plus si affinités. A eu à plusieurs reprises des attitudes très « enveloppantes » auprès du personnel féminin. Aimerait avoir recours au service d’une professionnelle du sexe.
- Une résidante (85 ans), un peu désinhibée, tient des propos très crus et aime à toucher les hommes, jeunes de préférence. Exprime régulièrement sa frustration sexuelle et affective.
- Deux autres résidants (73 et 95 ans) partent régulièrement chez leurs amies qui vivent à domicile.
Sexualité en institution, un tabou majeur.
- Raisons en lien avec l’histoire de notre culture occidentale.
- Raisons en lien avec l’histoire de nos institutions.
« Hygiène & physiologie du mariage » Auguste Debay 1848
- « La continence est une nécessité pour la seconde vieillesse ; le sexagénaire ne doit aller que très rarement porter sa mesquine offrande sur l’autel de Vénus ; car, à cette époque de la vie, la liqueur séminale est très lente à se reproduire. Le septuagénaire devrait s’abstenir du coït ; l’énorme déperdition de fluide nerveux qui en résulte le plonge dans un épuisement toujours nuisible à sa constitution. Il devrait se tenir en garde contre les fallacieux désirs né d’une imagination lubrique, et bien se pénétrer de cette vérité, que, pour une faible éjaculation, qui tient plutôt de la douleur que du plaisir, il compromet sa santé et abrège sa vie. Les exemples de vieillards morts pendant ou à la suite du coït ne sont pas rares. »
- « Quoique la femme puisse prolonger l’acte vénérien plus longtemps que l’homme et le répéter plus souvent, par la raison que ses pertes sont moindres, elle doit néanmoins être sobre des plaisirs du mariage, car cette sobriété lui conservera la fraîcheur de ses charmes, que flétriraient promptement les excès. Les voluptés solitaires, auxquelles se livrent beaucoup de femmes mécontentes de leur mari, sont une manœuvre dangereuse qui les énerve et les prédispose aux sueurs blanches, aux irritations des organes génitaux et aux névropathies de ces organes. Une femme raisonnable doit toujours se contenter de ce que peut son mari et ne jamais exiger davantage. »
Buttler dans une étude de 1991 cite des idées reçues concernant la sexualité des personnes âgées.
- Les personnes âgées n’ont pas de désirs sexuels.
- Elles ne pourraient pas faire l’amour même si elles le voulaient.
- Les personnes âgées sont fragiles physiquement et le sexe peut leur causer de la douleur.
- Elles ne sont pas attirantes physiquement et donc pas désirables.
- Le sexe chez les personnes âgées est honteux et pervers.
« La sexualité des personnes âgées institut de psychologie de la santé et du développement » Pr. Ribes G.
Raisons en lien avec l’histoire de l’institution gériatrique.
Un fonctionnement hérité du monde hospitalier.
L’établissement médico-social :
- Traite des maladies.
- Compense des handicaps.
- Définit unilatéralement des besoins à satisfaire.
- Avènement des théories de soins,théories des besoins : Virginia Henderson/ Abraham Maslow…
- Les soignants, véhiculent les tabous sociétaux.
Résultat :
La sexualité est évacuée du champ de réflexion professionnel des soignants (double tabou). Les résidants ne peuvent pas exprimer TOUS leurs besoins.
Donc, les institutions sont des lieux de soins plus que des lieux de vie. Les institutions offrent de la qualité de soin plus que de la qualité de vie.
Pourquoi l’Institution doit-elle intégrer la sexualité dans son champ de réflexion ?
- Elle est présente dans nos institutions.
- Les personnes âgées sont des êtres sexués.
- La sexualité fait partie de la qualité de la vie. (Elle intéresse l’être dans sa globalité)
- prendre en compte ce besoin, c’est « permettre » de la qualité de vie.
Comment intégrer la sexualité dans notre champ de réflexion ?
Changer son regard…quitter la culture hygiéniste hospitalière… et donc changer de référentiel.
Pyramide des besoins selon A.Maslow
Selon Parse, et les théories de l’humain en devenir, l’Homme est un être entier, non divisible et acteur de sa destinée.
Dans cette perspective le résidant définit ses priorités en terme de besoins à satisfaire.
Il faut donc passer d’une culture hygiéniste hospitalière à une culture de l’écoute qui vise à soutenir la personne dans ses choix de vie, dans ce qui fait sens pour elle.
En conséquence, dans cette culture on accepte « l’autre » comme étant un être sexué, se vivant comme tel et traversé par cette pulsion de vie qu’est la sexualité.
Permettre et soutenir l’expression de la sexualité c’est soutenir la qualité de la vie et faire de nos institutions de vrais lieux de vie.