CONTRIBUTION ÉCRITE ORDRE NATIONAL DES PÉDICURES-PODOLOGUES
DANS LE CADRE DE LA GRANDE CONFÉRENCE DE LA SANTÉ
Janvier 2016
INTRODUCTION :
Cette conférence de santé à laquelle L’Ordre national des Pédicurespodologues a participé en étant présent à l’ensemble des ateliers a démontré que les professionnels de santé n’avaient pas toujours connaissances des compétences et des pratiques de chaque profession. Elle permet également de tracer des perspectives relatives à la refonte de la formation notamment pour les professions paramédicales et d’élargir la réflexion sur les pratiques avancées.
Cette contribution a pour but d’en faire la synthèse pour la profession de pédicurie-podologie.
I – PRÉSENTATION DE LA PROFESSION
Définition :
Le pédicure-podologue est le professionnel de santé en charge des affections et soins du pied. Il tient compte dans son exercice des interactions avec le reste du corps, en particulier de celles avec l’appareil locomoteur.
La pédicurie-podologie traite les troubles cutanés, morphostatiques et dynamiques du pied et des affections unguéales du pied.
Le pédicure-podologue intervient sur les pathologies et manifestations locales et non systémiques liées au pied. Cette prise en charge peut être éducative, préventive, curative et nécessiter un traitement à long terme.
Les compétences cliniques du pédicure-podologue lui permettent de différencier une atteinte locale du pied d’une maladie systémique, de distinguer les pathologies relevant de traitements podologiques de celles relevant de la compétence d’autres professionnels de santé.
Exercice :
Une consultation de pédicurie-podologie comporte trois étapes : le diagnostic, la définition d’un projet thérapeutique ainsi que la prescription, la mise en œuvre du traitement intégrant au besoin la conception et la réalisation des prothèses et orthèses.
Les soins de pédicurie-podologie s’adressent à tous, tant au petit enfant qu’à la personne âgée, au sportif ou à la personne handicapée. Le pédicure-podologue a un rôle majeur dans la prévention, le diagnostic et le traitement de nombreuses pathologies du pied, des plus bénignes aux plus sévères.
Son expertise porte également sur le retentissement fonctionnel dans la prise en charge des troubles de l’équilibre, ou encore sur la prévention des chutes chez les personnes âgées pour lesquelles le pédicure-podologue a également un rôle essentiel.
Il compense ou traite d’éventuelles malformations ou déformations du pied (orteils en griffe, hallux valgus, Quintus varus…) ou encore remédie à des troubles de la statique entrainant des douleurs au niveau de l’appareil locomoteur (chevilles, genou, bassin, rachis).
Textes de références :
Article L4322-1 du Code de la santé publique issu de la loi de modernisation de notre système de santé :
Les pédicures-podologues, à partir d’un diagnostic en pédicurie-podologie qu’ils ont préalablement établi, ont seuls qualité pour traiter directement les affections épidermiques, limitées aux couches cornées et les affections unguéales du pied, à l’exclusion de toute intervention provoquant l’effusion de sang. Ils ont également seuls qualité pour pratiquer les soins d’hygiène et de prévention, confectionner et appliquer les semelles destinées à prévenir ou à soulager les affections épidermiques.
Sur ordonnance et sous contrôle médical, les pédicures-podologues peuvent traiter les cas pathologiques de leur domaine de compétence.
Les pédicures-podologues analysent et évaluent les troubles morphostatiques et dynamiques du pied et élaborent un diagnostic de pédicurie-podologie en tenant compte de la statique et de la dynamique du pied ainsi que leurs interactions avec l’appareil locomoteur.
Les pédicures-podologues peuvent adapter, dans le cadre d’un renouvellement, les prescriptions médicales initiales d’orthèses plantaires datant de moins de trois ans, dans des conditions fixées par décret et sauf opposition du médecin.
Article R4322-1 du Code de la santé publique :
Les pédicures-podologues accomplissent, sans prescription médicale préalable et dans les conditions fixées par l’article L. 4322-1, les actes professionnels suivants :
1. Diagnostic et traitement des :
– Hyperkératoses mécaniques ou non, d’étiologie ou de localisations diverses ;
– Verrues plantaires ;
– Ongles incarnés, onychopathies mécaniques ou non, et des autres affections épidermiques ou unguéales du pied, à l’exclusion des interventions impliquant
l’effusion de sang ;
2. Exfoliation et abrasion des téguments et phanères par rabotage, fraisage et meulage ;
3. Soins des conséquences des troubles sudoraux ;
4. Soins d’hygiène du pied permettant d’en maintenir l’intégrité à l’occasion de ces soins, lorsque des signes de perte de sensibilité du pied sont constatés, signalement au médecin traitant ; Surveillance et soins des personnes, valides ou non, pouvant présenter des complications spécifiques entrant dans le champ de compétence des pédicures-podologues ;
5. Prescription et application des topiques à usage externe figurant sur une liste fixée par un arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de l’Académie nationale de médecine ;
6. Prescription et pose de pansements figurant sur une liste fixée par un arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de l’Académie nationale de médecine ;
7. Prescription, confection et application des prothèses et orthèses, onychoplasties, orthonyxies, orthoplasties externes, chaussures thérapeutiques de série, semelles orthopédiques et autres appareillages podologiques visant à prévenir ou à traiter les affections épidermiques et unguéales du pied.
Le pédicure-podologue exerce ainsi de fait une profession médicale à compétence définie puisqu’il bénéficie de la libre réception des patients et du droit au diagnostic et à la prescription et pour l’essentiel de son activité à la liberté de ses honoraires.
La profession de pédicure-podologue est classée comme profession de rééducation, puisque qu’elle participe à l’autonomie et à la réadaptation des patients soit par des soins podologiques sur les parties molles soit par des soins podologiques relevant de l’appareillage notamment les orthèses.
La profession en chiffres (chiffres au 1er décembre 2015)
· au 1er décembre 2015, la profession compte 12 756 pédicures-podologues, soit 16 % de plus qu’en 2010
· 99,9 % des pédicures-podologues sont inscrits au tableau de l’ordre
· 66 % des actifs sont des femmes
· 96 % des pédicures-podologues exercent exclusivement en activité libérale
· on compte 13 900 cabinets sur le territoire français (11 529 principaux et 2 371 secondaires)
· il existe 11 instituts de formation en pédicurie-podologie en France dont 2 publics
· 62 % des diplômés de l’année le sont en Ile-de-France
· 614 nouveaux diplômés 2014 en France dont plus de 10 % issus de formations obtenues à l’étranger, environ 8 % n’exerceront pas
· tous les ans, environ 1 % des pédicures-podologues cessent leur activité
· le revenu moyen annuel en France pour un pédicure-podologue s’élève à 25 012 € (source Carpimko 2012)
· le coût moyen à l’installation varie entre 30 000 € et 40 000 €.
· A ce coût s’ajoute le reliquat des frais des prépas aux épreuves d’admission et de formation initiale souvent très élevés et qui ont justifié des prêts bancaires.
Les aspects tarifaires :
Seuls certains actes prescrits par une ordonnance médicale ouvrent droit à une prise en charge par l’assurance maladie. Cette prise en charge est faible et se fait sur la base du tarif de responsabilité de la sécurité sociale.
Les honoraires de consultation sont libres pour l’essentiel.
Cependant, pour les patients diabétiques gradés 2 et 3, dont les pieds présentent des risques élevés de lésions, l’assurance maladie rembourse les soins et les actes de prévention réalisés par des pédicures-podologues conventionnés, habilités aux actes POD, dans le cadre de 4 à 6 séances de soins sur l’année au tarif de 27 € la consultation.
Si le pédicure-podologue peut recevoir librement et soigner un patient sans prescription préalable, en ce cas, aucune prestation n’est prise en charge par l’assurance maladie.
II- PERSPECTIVES
Formation :
Universitarisation : Une Profession de santé ordrée légitime pour s’universitariser
Universitarisation complète de la formation initiale :
· L’accès à la formation en pédicurie-podologie ne doit plus être la conséquence d’échecs dans d’autres filières de santé. La première année de formation doit être suivie dans le cadre d’une formation commune à toutes les professions de santé avec dès le départ un choix établit pour le passage de deux concours maximum dans deux filières (concours 1ère intention, 2ème intention).
· Malgré un processus engagé, le système actuel de conventionnement des Instituts privés (formation coûteuse) est insatisfaisant,
· la démarche d’universitarisation est restée au milieu du gué. Les diplômés malgré la réingénierie du diplôme n’ont toujours pas accès au grade licence.
· Un titre universitaire amené à évoluer vers le master et le doctorat
· De plus l’universitarisation permettrait un maillage de la formation sur l’ensemble du territoire, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui avec près de 62% des diplômés sur la région parisienne.
Le recrutement des enseignants ne peut se faire que dans le panel des professionnels ayant au moins une expérience d’exercice à temps complet en cabinet ou dans un service hospitalier. Il est inconcevable de recruter des enseignants ou faisant fonction dans l’année qui suit celle de l’obtention du diplôme d’état.
La condition déjà instituée d’être cadre de santé doit être respectée pour tous les enseignants.
Intégration de l’anglais comme matière obligatoire tout au long de les études (cours en anglais dans certaines matières).
Enseignements pluri disciplinaires :
· Création d’enseignements communs à la filière médicale dès le 3ème semestre du cursus universitaire.
Formation des tuteurs de stage pour assurer l’encadrement des étudiants.
· Ces tuteurs doivent être des professionnels ayant une expérience professionnelle d’au moins cinq années en cabinet ou au sein d’un service hospitalier de pédicuriepodologie.
Création de postes d’enseignants chercheurs : Production par la profession de matière scientifique, pour l’élaboration de référentiels et recommandations, études basées sur des niveaux de preuves
Ouverture sur le monde hospitalier avec redéfinition du rôle du pédicure-podologue, en proposant les services cibles où celui-ci à toute sa place pour contribuer à la pluridisciplinarité et répondre aux besoins des patients.
· Création de postes de pédicure-podologues hospitaliers avec un statut qui leur est propre.
Nécessité de mettre en place une plateforme commune européenne pour la profession de pédicure-podologue afin que outre les différents titres reconnus par-delà les pays composants l’Union européenne soit clairement définis les standards de connaissances permettant une reconnaissance automatiques des diplôme au sein de l’UE.
Actuellement l’exercice transfrontalier sous l’étiquette de « libre prestation de services » permet l’exercice de professionnels sous qualifiés, non contrôlables….
Pratiques avancées : définition selon le modèle québécois
A champs de compétences partagés avec le corps médical, définition de pratiques avancées dans les domaines concernés.
Par ses compétences diagnostiques, intégrer de façon systématique dans le parcours de soins le pédicure-podologue, notamment au sein des services de rhumatologie, diabétoendocrinologie, dermatologie, gériatrie, orthopédie, maladies professionnelles.
Par ses compétences diagnostics au sein de consultations pluri-disciplinaires
Les actes que nous pratiquons déjà de manière habituelle, en libre réception du patient, sans prescription médicale :
– Compétences en podo-rhumatologie : Suivi podologique des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde
– Compétences en podo-diabétologie : Suivi podologique des patients diabétiques et artéritiques
· Examen et gradation du risque podologique chez les patients diabétiques.
· Mise au jour des plaies, débridement mécanique des ulcérations à prédominance neuropathique, drainage des ulcérations ischémiques et leur mise en décharge par orthèses)
· Dépistage des troubles de la sensibilité du pied (utilisation du mono filament et du diapason…)
· Dépistage des troubles artériels (prise de pouls, mesure de l’index de pression systolique…)
– Compétences en podologie du travail :
Certaines pathologies du pied (mycose, tendinite achilléenne) sont reconnues au titre des maladies professionnelles. Le pédicure-podologue, par ses compétences diagnostiques, couvre un large éventail de pathologies au travail touchant l’appareil locomoteur.
Les lésions traumatiques du pied sont communes, Elles représentent 6% de l’ensemble des accidents de travail avec arrêt. Le début de la prise en charge du salarié commence par l’évaluation des risques encourus et l’analyse du chaussage. Le pédicure-podologue par son expertise dans ces domaines apporte sa compétence dans le parcours de soins. L’examen pourra être accompagné de radiographies. La prescription de cette imagerie n’est pas ouverte aujourd’hui aux pédicures-podologues. Il est souhaitable que cela puisse le devenir.
Le maintien en emploi des salariés atteints de pathologies sévères du pied appelle à une coopération médecins du travail/ pédicures-podologues. Pour exemple le CHU de Toulouse dans son service des maladies professionnelles porte cette pluridisciplinarité par une consultation spécifique en pédicurie-podologie.
L’intérêt des médecins du travail pour cette consultation podologique hospitalière n’a cessé de grandir depuis 10 ans. Victime de son succès, les délais d’attente sont aujourd’hui conséquents.
– Compétences en podo-gériatrie :
· Prévention de la perte d’autonomie du sujet âgé,
· Prévention des chutes
Les actes que nous devrions pouvoir pratiquer directement
– Ouverture d’un champ de compétence en podo-dermatologie :
Le podologue est particulièrement formé pour savoir distinguer les suspicions de mycoses cutanées ou unguéales du pied. La prescription du bilan mycologique
permettrait de raccourcir le parcours de soins dans ce domaine et d’éviter les prescriptions inadaptées et couteuses d’antifongiques.
De même les conséquences de certaines chimiothérapies et thérapies ciblées, les effets indésirables des traitements anticancéreux sont importants. Que ce soit au niveau de la peau, des phanères, des extrémités distales, la prise en charge des patients nécessite une adaptation et une haute qualification du personnel soignant. Le pédicure-podologue, acteur à part entière des protocoles de prise en charge, intervient tant au niveau de la prévention que du traitement de ces effets secondaires. Ce domaine dermatologique, spécifique répond à un besoin de pédicures-podologues en pratiques avancées.
– Ouverture d’un champ de compétence podo-orthopédique :
La prise en charge de l’ongle incarné est normalement assurée par le pédicurepodologue.
Les premiers stades ne posent pas de problème particulier en exercice libéral si ce n’est que les soins dispensés par le pédicure-podologue ne sont pas remboursés par l’Assurance-Maladie et que les patients ont tout naturellement recours dans la majorité des cas au médecin traitant.
Celui-ci établit le diagnostic et propose le plus souvent une antibiothérapie locale voire générale pour éviter la propagation de l’infection. Pour les mêmes raisons de non remboursement des actes mais aussi par méconnaissance du rôle du podologue car le cursus médical initial laisse bien peu de place à la pathologie intrinsèque du pied, rares sont les médecins généralistes qui orientent vers le pédicure-podologue. Le patient qui a généralement consulté au stade inflammatoire repart chez lui avec sa prescription et ne manque pas de revenir la semaine ou la quinzaine suivante au stade évolué cette fois, vers son médecin qui prescrit alors une chirurgie. Le secteur public repousse le rendez-vous à plusieurs mois souvent car la pathologie semble bénigne et les chirurgiens-orthopédistes sont largement occupés par la traumatologie et une chirurgie réglée plus « lourde ». Cette errance médicale conduit alors le plus souvent le patient à se rendre dans un service d’Urgences. Le temps moyen entre le diagnostic et la prise en charge est estimé à 2 mois et le coût moyen à 150€ avant traitement.
Aujourd’hui, nombreux sont les chirurgiens orthopédistes du secteur privé à travailler au sein de leur clinique en étroite collaboration avec les pédicures-podologues, avant et après la chirurgie du membre inférieur, La pluridisciplinarité autour du patient est cependant contrainte par la non prise en charge des consultations podologiques par l’assurance maladie
Aujourd’hui, nombreux sont les chirurgiens orthopédistes du secteur privé à travailler au sein de leur clinique en étroite collaboration avec les pédicures-podologues, avant et après la chirurgie du membre inférieur, La pluridisciplinarité autour du patient est cependant contrainte par la non prise en charge des consultations podologiques par l’assurance maladie.
– Ouverture à la Prescription et utilisation des topiques anesthésiques de contact : (y compris ceux sur liste) lors des soins
– Ouverture du droit d’accès au dossier médical partagé dans son entier.
– Ouverture à la demande de radiographies, d’échographies du pied
Régulièrement effectuée dans la mesure où les radiologues ont la possibilité de l’auto-prescription
Retrouvez le compte rendu de cette conférence ici :
Proformed – Conférence de la Santé – ORDRE NATIONAL DES PEDICURES-PODOLOGUES