L’inscription de la notion « d’emprise conjugale » dans le Code pénal et le Code civil a été annoncée par le Premier ministre à l’issue du grenelle contre les violences conjugales.
Article de Hélène Sergent pour 20 Minutes
« Un enfermement à l’air libre ». Voilà comment le Premier ministre, Edouard Philippe, a défini lundi 25 novembre la notion d’emprise subie par les femmes victimes de violences. Après des mois de concertation, le gouvernement a choisi d’axer une partie des mesures issues du grenelle contre les violences conjugales sur les violences psychologiques.
L’emprise conjugale, souvent considérée comme un préalable aux violences physiques, devrait donc faire son apparition dès 2020 dans le Code pénal et le Code civil. A quoi va servir cette inscription dans la loi et que peut-elle changer concrètement pour les femmes victimes de ces violences de la part de leur conjoint ou ex-conjoint ? 20 Minutes fait le point.
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Qu’est-ce que l’emprise conjugale ?
Les violences psychologiques se traduisent très généralement par une emprise exercée à l’égard des victimes. Concrètement, cela se traduit par l’isolement de la personne, la surveillance de ses communications, une dévalorisation permanente de ses actes, de ses paroles, imposer une manière de s’habiller, de se maquiller, empêcher d’accéder aux finances du ménage ou par des menaces de suicide, de séparation ou de séquestration par exemple.
Lors de son discours de clôture du grenelle, le Premier ministre a défini ainsi cette notion : « C’est la prise de possession d’un membre du couple par l’autre, une prise de possession qui s’installe de manière progressive et implacable, parfois même sans que la victime s’en aperçoive, et qui s’apparente à un enfermement à l’air libre ».
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Que dit la loi à ce sujet ?
En France, les violences psychologiques dans le couple sont reconnues comme un délit depuis 2010 et sont punies de trois ans de prison et 45.000 euros d’amende. La peine monte jusqu’à cinq ans de prison et 75.000 euros lorsqu’elles ont entraîné une incapacité totale de travail supérieur à huit jours ou ont été commises devant un mineur. Dans la loi, elles sont définies comme le fait de harceler son partenaire « par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ».
Le Code civil, lui, stipule que le juge aux affaires familiales doit prendre en considération « les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre » lorsqu’il se prononce par exemple sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Mais dans un cas comme dans un autre, la notion d’emprise conjugale n’est pas clairement établie. Le groupe La République en marche (LREM) devrait donc déposer dans le courant du mois de janvier 2020 une proposition de loi sur le sujet.
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L’inscription de l’emprise dans la loi est-elle souhaitable ?
Pour l’avocate pénaliste et porte-parole de « la fondation des femmes », Zoé Royaux, cette mesure ne relève pas seulement du symbole. « Inscrire la notion d’emprise dans la loi, c’est faire œuvre de pédagogie. C’est un moyen de rappeler à l’ensemble des acteurs de la chaîne judiciaire que cette emprise est aussi grave que la violence physique », estime-t-elle. « En nommant clairement cette notion, on donne une clé de compréhension supplémentaire des mécanismes de violences conjugales. Démocratiser ce terme est une très bonne chose », salue également Aurélie Latourès, chargée d’études à l’observatoire régional des violences faites aux femmes du centre Hubertine Auclert.
Or bien souvent, les manifestations de cette emprise sont invisibles et s’expriment dans le huis clos familial. « Cette emprise est pernicieuse parce qu’elle est invisible est très difficile à détecter, y compris pour la femme qui en est victime. Ca ne se mesure pas comme une fracture ou un bleu et malheureusement, encore trop souvent, le retentissement psychologique de cette emprise est difficile à appréhender », détaille l’avocate Zoé Royaux.
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Qu’est-ce que cela peut changer ?
Pour la pénaliste, inscrire clairement l’emprise dans la loi permet « de donner un raisonnement juridique » : « Dans le cadre de séparation, le juge sera amené à en tenir. C’est aussi un moyen de dire aux juges aux affaires familiales un peu frileux lorsqu’ils doivent délivrer une ordonnance de protection que d’autres critères existent au-delà des certificats médicaux faisant état de coups ou de blessures ».
Faire toutefois de l’emprise conjugale un nouveau délit à part entière ne serait pas nécessaire nuance Anne Sophie Laguens, avocate en droit de la famille : « Les outils existent déjà. Les violences psychologiques sont déjà punies par la loi et devraient être prises en compte par les magistrats. La réalité c’est que ces mécanismes sont toujours très difficiles à prouver ». Un constat partagé par Aurélie Latourès : « L’application de la loi sur les violences psychologiques est encore difficile et les condamnations restent rares ».
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