Le secret partagé était jusqu’à présent uniquement autorisé entre professionnels de santé.
La loi du 27 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé complétée par deux décrets du 20 juillet 2016 a remis en cause ce principe en permettant à d’autres professions de participer à cet échange d’informations couvertes par le secret médical.
Ainsi, le décret 2016-994 relatif aux conditions d’échange et de partage d’informations entre professionnels de santé et autres professionnels des champs social et médico-social et à l’accès aux informations de santé à caractère personnel énonce dans son intitulé cette ouverture.
Le décret 2016-996 aborde le cas spécifique de l’équipe de soins tandis que le décret 2016-1349 précise le cas du partage d’informations entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins et notamment la question du consentement préalable du patient à cet échange.
Élargissement encadré du secret partagé
L’article L1110-4.II du code de la santé publique pose le principe de ce partage d’informations annoncé par les textes législatifs et réglementaires.
Des professionnels peuvent échanger des informations uniquement dans le cas où ils participent tous à la prise en charge d’une même personne.
Une condition supplémentaire précise que les informations échangées doivent être nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins du patient, à la prévention ou à son suivi médico-social et social.
Enfin, l’article R1110-1 du code de la santé publique reprend ces obligations et les complète en ajoutant que les informations transmises doivent entrer dans le périmètre des missions des professionnels de santé ou du secteur médico social ou social.
Ces critères encadrent ainsi cette ouverture du secret partagé et soulèvent la nécessité que les professionnels maîtrisent les domaines de chacun afin d’éviter une transmission inappropriée d’informations.
Le secret partagé est ainsi élargi mais n’est pas imposé aux professionnels. En effet, il leur est laissé l’opportunité de refuser de transmettre des informations. En effet, l’usage du verbe « pouvoir » démontre que la transmission d’informations est une faculté laissée au libre arbitre du professionnel sauf si son refus risque de porter atteinte à son obligation de continuité des soins.
Quels sont les professionnels concernés ?
Deux catégories de professionnels se distinguent:
- D’une part les professionnels de santé qui sont mentionnés dans la quatrième partie du code de la santé (médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, pharmacien, préparateur en pharmacie, infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, ergothérapeute, psychomotricien, orthophoniste, orthoptiste, manipulateur d’électroradiologie médicale, audioprothésiste, opticien-lunetier, prothésiste et orthésiste pour l’appareillage des personnes handicapées, diététicien).
- D’autre part les autres professionnels pour lesquels une liste précise a été établie.
Elle figure au sein de l’article R1110-2 du code de la santé publique et comporte neuf-sous catégories.
En voici l’énoncé :
- Assistants de service social.
- Ostéopathes, chiropracteurs, psychologues et psychothérapeutes non professionnels de santé par ailleurs, aides médico-psychologiques et accompagnants éducatifs et sociaux.
- Assistants maternels et assistants familiaux.
- Éducateurs et aides familiaux, personnels pédagogiques occasionnels des accueils collectifs de mineurs.
- Particuliers accueillant des personnes âgées ou handicapées.
- Mandataires judiciaires à la protection des majeurs et délégués aux prestations familiales mentionnés au titre VII du livre IV du même code.
- Non-professionnels de santé salariés des établissements et services et lieux de vie et d’accueil.
- Non-professionnels de santé mettant en œuvre la méthode prévue à l’article L. 113-3 du même code pour la prise en charge d’une personne âgée en perte d’autonomie.
- Non-professionnels de santé membres de l’équipe médico-sociale compétente pour l’instruction des demandes d’allocation personnalisée d’autonomie.
L’institution d’une telle liste nous permet d’en conclure que le partage d’informations entre un professionnel de santé et un professionnel qui ne figure pas sur cette dernière n’est pas permis et que, s’il devait avoir lieu, serait considéré comme une violation du secret médical.
Pour autant, tous les risques ne sont pas exclus étant donné que certaines des professions énoncées par la liste ne sont pas soumises au respect du secret en raison de leur fonction ou de leur mission.
Des règles différentes selon les conditions d’exercice
L’article R1110-3 du code de la santé publique est venu opérer une distinction selon que le professionnel de santé est membre ou non d’une équipe de soins.
Dans l’hypothèse où le professionnel de santé n’est pas membre d’une équipe de soins et qu’il souhaite échanger des informations dans le cadre du suivi d’un même patient avec un professionnel de l’autre catégorie ou avec ceux de la quatrième partie du code, le patient ou son représentant légal doit en être informé au préalable.
L’information préalable doit être attestée par la remise d’un support écrit au patient par la personne qui a recueillit le consentement. Il peut être sous forme électronique et doit indiquer les modalités effectives d’exercice de ses droits par la personne ainsi que de ceux qui s’attachent aux traitements opérés sur l’information recueillie.
Le patient doit avoir connaissance d’une part de la nature et de la catégorie des informations devant faire l’objet de l’échange, d’autre part, soit de l’identité du destinataire et de la catégorie dont il relève, soit de sa qualité au sein d’une structure précisément définie.
Il devra également lui être précisé la nature des supports utilisés pour ce partage d’informations ainsi que les mesures prises pour préserver leur sécurité, notamment les restrictions d’accès.
Le consentement du patient ou de son représentant légal est alors recueilli par tout moyen y compris par forme dématérialisée sauf en cas d’impossibilité ou d’urgence.
Il est prévu que le consentement du patient soit recueilli lorsque la personne est de nouveau en capacité ou en situation de consentir au partage d’informations la concernant. L’obtention du consentement du patient figurera dans son dossier médical.
Le consentement est valable tant qu’il n’a pas été retiré par tout moyen, y compris sous forme dématérialisée. Il a une durée limitée à la prise en charge du patient.
Ces mesures ont ainsi vocation à préserver la volonté du patient ainsi que le secret médical tout en permettant de faciliter le partage d’informations entre des professionnels de santé qui ne sont pas membres d’une équipe de soins : le patient est mis au cœur de la prise de décision permettant cet échange.
Si le professionnel de santé est membre d’une équipe de soins, il convient de préciser deux cas de figure : l’échange d’informations entre des professionnels de santé et des professionnels de l’autre catégorie ou le partage d’informations entre des professionnels de santé mentionnés dans la quatrième partie du code.
Lorsqu’un échange d’informations a lieu entre des professionnels de santé et des professionnels de l’autre catégorie, il faut également en informer au préalable le patient.
En revanche, il n’existe pas d’obligation de transmettre la nature des informations et l’identité du destinataire.
Toutefois, une limitation supplémentaire est ajoutée en invitant les professionnels de l’une ou l’autre catégorie à prendre en compte des recommandations qui seront élaborées par la Haute Autorité de santé avec le concours des ordres professionnels et qui devront définir les catégories d’informations qui leur sont accessibles.
Dans le cas d’un partage d’informations entre des professionnels de santé mentionnés dans la quatrième partie du code, le patient n’aura pas à en être informé au préalable. Ces informations sont réputées confiées par la personne à l’ensemble de l’équipe.
Toutefois, le patient doit être informé de son droit de s’opposer à la transmission d’informations le concernant tel qu’il est prévu par l’article L1110-4 du code de la Santé Publique.
Voici un schéma permettant d’identifier les différents cas de figure énoncés par les textes :
Catégorie 1 : Professionnels de santé mentionnés dans la quatrième partie du code de la santé :médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, pharmacien, préparateur en pharmacie, infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, ergothérapeute, psychomotricien, orthophoniste, orthoptiste, manipulateur d’électroradiologie médicale, audioprothésiste, opticien-lunetier, prothésiste et orthésiste pour l’appareillage des personnes handicapées, diététicien
Catégorie 2 : Professionnels de la liste établie au sein de l’article L1110-2 du code de la santé publique
L’article L1110-12 du Code la Santé Publique définit la notion d’équipes de soin.
C’est un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d’un même patient à la réalisation d’un acte diagnostique, thérapeutique, de compensation du handicap, de soulagement de la douleur ou de prévention de perte d’autonomie, ou aux actions nécessaires à la coordination de plusieurs de ces actes et qui :
- Soit exercent dans le même établissement de santé, au sein du service de santé des armées, dans le même établissement ou service social ou médico-social mentionné au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ou dans le cadre d’une structure de coopération, d’exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale figurant sur une liste fixée par décret ;
- Soit se sont vu reconnaître la qualité de membre de l’équipe de soins par le patient qui s’adresse à eux pour la réalisation des consultations et des actes prescrits par un médecin auquel il a confié sa prise en charge .
- Soit exercent dans un ensemble, comprenant au moins un professionnel de santé, présentant une organisation formalisée et des pratiques conformes à un cahier des charges fixé par un arrêté du ministre chargé de la santé.