L’équipe Proformed vous propose cet article en complément de notre nouvelle formation : « Assistance médicale à la procréation (AMP) et le désir d’enfant » animée par Catherine Vacher-Vitasse, le 23 novembre 2019 à Bordeaux.
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Qu’est-ce que le désir d’enfant ? Augmente-t-il avec l’âge ?
Chacun a son idée. Chacun devine ce qu’il y a derrière. Ses propres racines, sa propre construction, se reproduire, transmettre, depuis la nuit des temps les exemples ne manquent pas (la théogonie (Gaïa qui donne naissance à Ouranos le Ciel (sans intervention mâle), Athéna naissant toute armée de la tête de Zeus, l’Ancien Testament (Sarah qui reste stérile et offre sa servante Agar à Abraham son époux, qui lui donnera Ismaël), La Femme Sans ombre écrit par Hofmannsthal pour Strauss qui en fera un opéra : l’impératrice des esprits qui abandonnera sa quête de descendance plutôt que d’en dépouiller le couple teinturier Barak et sa femme, etc.
Un enfant à tout prix est une pensée récurrente qui devient obsédante chez la plupart des femmes (et des hommes) passé un certain âge : vieillissement des gamètes. Cette obsession est comblée faussement par ceux qui pensent que la science peut tout : les chiffres montrent le contraire, la déception est alors à la hauteur des espoirs sidérés.
Jadis, la seule alternative était l’adoption (ou le vol de bébé ou la grossesse pour autrui). Depuis 1978 (1982 en France) il y a la PMA. Avec toutes ses facettes, toutes ses possibilités. L’homme et la femme qui viennent consulter découvrent alors en direct et font leur marché. La morale, la culture, les croyances religieuses, l’environnement, l’éducation et tant d’autres facteurs vont guider ou pas leurs choix.
Couples hétérosexuels ou homosexuels, l’accès à l’enfant devient non seulement un droit, mais un dû de la nation. Le remboursement des PMA (4 tentatives) en est un signe. Mais le suivi en France de la grossesse pour des femmes qui sont allées se faire inséminer ou féconder à l’étranger aussi : paradoxe ?
Le pédiatre, au bout de la « chaine » est le témoin privilégié de ces parcours accidentés, difficiles et parfois cruels.
Une obsession ?
Sur le web, une mine d’information.
Tapez « désir d’enfants » sur Google : 13 millions de résultats en 0,52 secondes.
Tapez « désir d’un bébé » : 15 millions de réponses en 0,33 secondes ;
Tapez « je veux un bébé » : 3 millions de réponses en 0,17 sec avec offres de recherches associées : Je veux un bébé mais je n’y arrive pas, je veux un bébé vite, je veux un bébé mais pas lui, je veux un bébé à 16 ans, je veux un bébé comment faire, j’ai 15 ans et je veux un bébé ;
Tapez « J’ai 40 ans et je veux un bébé » : réponses : grossesse tardive, mettre toutes les chances de son côté, insémination, stérilité, adoption, quels sont les risques, les mamans chrétiennes, grossesse pour autrui…
Le temps fait l’obsession. Le regard des autres, aussi.
Rapprochement de deux spécialités : pédiatre et obstétricien
L’évolution de la médecine, en particulier de la réanimation néo-natale s’est faite essentiellement dans les années 70-80, lorsqu’il s’est alors agi de prendre en charge des nouveau-nés de plus en plus petits (jusqu’à 500g, voire moins) et de plus en plus prématurés (23-24 semaines de gestation).
C’était une sorte de passage obligé afin de déterminer jusqu’où l’on pouvait ou l’on voulait aller. L’amélioration des techniques de soin (ventilation, intubation, perfusion), des appareillages (respirateurs, monitoring, incubateurs, surveillance des constantes vitales, de la diffusion de l’oxygène dans les tissus nobles, etc.), la réduction des délais d’intervention des réanimateurs ( niveau 3 ou 2 des maternités, présence sur place 24h sur 24h), la meilleure formation des équipes intervenantes : tout ceci a contribué a repoussé les limites que l’on pensait infranchissables il y a quelques décennies ;
A cela s’est ajouté l’augmentation de la performance des techniques de diagnostic (échographie, imagerie médicale, apport de la biologie, de la génétique).
Puis plus récemment la place de la procréation médicalement assistée a aussi contribué à modifier la vision du pédiatre sur ce nouveau-né, projet d’un désir d’enfant ou d’un désir de se reproduire à tout prix.
Tous ces éléments ont fait se rapprocher peu à peu deux spécialités qui jusqu’alors travaillaient de manière successive et non concomitante : l’obstétricien et le pédiatre.
Auparavant, la politique de la fatalité, c’était dans les années cinquante, soixante. La technique dite de la boîte à chaussures où l’on mettait le bébé emballé dans du coton. C’est ce qui se fait dans grand nombre de pays encore de nos jours, là où le niveau économique ne permet pas d’accéder à cette haute technologie et à une formation digne de ce nom.
Aujourd’hui, les liens entre ces deux spécialités sont continus et des réunions communes ont lieu pour évoquer telle ou telle grossesse dont le suivi demande plus de vigilance (grossesse multiple, pathologies dans les antécédents familiaux, anomalie génétique, malformation dépistée, fragilité psychiatrique, addiction aux drogues).
Le pédiatre est au bout de ce désir d’enfant : Cerise sur le bébé ?
L’augmentation de la prématurité (liée pour une bonne part à l’âge moyen de la première grossesse désormais de 30 ans contre 25 ans en 1975), la modification des habitudes de vie des couples, la judiciarisation de notre société, l’accès par le web à une masse d’informations qui noie l’internaute, amènent inévitablement le pédiatre à revoir sa propre vision de ce que représente l’arrivée d’un bébé dans un couple. Là où la chose paraissait naturelle, « avoir un enfant » dans les siècles précédents (faire comme les générations précédentes, transmettre son patrimoine même si on ne parlait pas encore de génétique, avoir un garçon, transmettre son nom) se soldait finalement à deux voies possibles : enfanter ou adopter.
Désormais la science ayant pris une avance considérable sur le débat éthique, les praticiens se trouvent confrontés à devoir prendre parfois des décisions graves là où la loi ne les accompagne pas toujours (arrêt de réanimation, retrait d’un embryon, réduction d’un fœtus pour sauver l’autre, indication d’avortement, etc.).
Le pédiatre, qu’il soit en activité de consultation dans son cabinet ou en action de réanimation auprès d’un grand prématuré, est qu’il le veuille ou non, confronté dans sa pratique quotidienne à ces questions d’Ethique.
La situation est naturellement visible en consultation avec des demandes de conseils pratiques qui dévoilent par moments l’intimité d’un couple : femme se trouvant trop âgée, désir de « refaire » un enfant à son nouveau compagnon, deuil d’un autre enfant qui va se reporter sur une prochaine grossesse, intervalle idéal entre deux grossesses, reprise de la pilule après le retour de couches, nombre idéalisé d’enfants, etc.…
Mais elle est plus nettement palpable en salle de naissance. Le réanimateur est présent quand il y a problème. Toute grossesse peut se compliquer en quelques instants, même une grossesse dite normale. Et alors que le pédiatre se retrouve en position de réanimer un bébé qui n’a plus de cœur ou qui est venu beaucoup trop tôt, il lui faut prendre en compte l’histoire de ce bébé, d’où il vient, est-il précieux, les parents en sont-ils à leur deuxième ou troisième tentative de fécondation in vitro, la mère est-elle en train de perdre son utérus dans la salle d’à côté ? Toutes ces informations sont transmises à la connaissance du praticien par la sage femme alors qu’il est en train de faire les gestes qui sauvent. Ou pas.
C’est une prise brutale de connaissance de ce qu’il y a derrière ce projet d’enfant. Un couple qui ne pourra plus avoir d’enfant acceptera peut-être un enfant handicapé d’une autre manière.
Un peu plus tard, dans le dossier, on découvre le projet d’accouchement où le couple a mis par écrit, au calme, tout ce qu’il souhaite et tout ce qu’il ne souhaite pas voir se passer au moment ultime. Déception immense, parfois.
Tant que le bébé n’est pas né, le pédiatre essaie de ne pas se montrer : sa présence peut inquiéter la parturiente. L’accès à ce spécialiste est réservé à celles qui ont « mis au monde ».
« Le pédiatre, c’est la cerise sur le bébé, après une PMA ».
Mais le désir d’enfant s’arrête où ? A la conception ? A la naissance ? Plus tard ?
Chaque cas est particulier, certaines femmes sont constamment dans ce désir d’enfant.
« Docteur, j’aimerais en avoir 6 ».
« Docteur j’ai quarante deux ans, j’aimerais avoir encore deux enfants. Je trouve que trois c’est une vraie famille… »
« Je me sens tellement bien quand je suis enceinte, je serais presque prête à porter le bébé d’une autre pour rendre service ».
L’éventail des raisons qui poussent une femme, un couple à avoir un bébé est tellement vaste, qu’il serait présomptueux d’en dresser une liste exhaustive (culturelle, projection, comparaison, poids de l’entourage, familiale, ethnique, religieuse). Sans compter sa propre histoire, son lien avec son père, sa mère. Combien de fois ne voit-on pas telle ou telle mère ne pas arriver à prendre possession de son bébé (se sent mauvaise mère) au niveau simplement de l’allaitement, du sommeil, de la digestion uniquement parce qu’elle se pose trop de questions et n’a pas réglé sa problématique propre.
« Le cas de cette jeune fille de 15 ans non suivie pendant sa grossesse, qui arrive sur une mobylette accompagnée par son compagnon, grossesse cachée à ses parents agriculteurs, la peur du père. Le bébé nait, en excellente santé, la mère est incapable de la prendre dans ses bras, il est inexistant : la peur du père qui va la battre, c’est certain ; toute l’équipe réfléchit à comment faire pour annoncer à la famille, car la jeune fille est mineure. Un subterfuge est utilisé : comme il est trois heures du matin, on appelle le père de l’accouchée, lui disant qu’il est arrivé quelque chose à sa fille, sans donner plus de précisions. A l’arrivée, l’homme s’attend tellement au pire, que l’annonce qu’il est grand-père lui fait oublier toute récrimination. Alors seulement la jeune fille, apaisée, se tourne vers la couveuse et réclame son bébé. Deux heures se sont passées avant ce geste. Dans ce cas, où se situe le désir d’enfant ? Après la naissance ? »
Droit à l’enfant ?
Certaines femmes, certains couples, habitués à ce que notre société offre comme technologie (biologie, PMA, stimulation ovarienne, dons de gamètes, grossesse pour autrui) voient leur subconscient se projeter dans cette cyber conception et cherchent un responsable : la société qui leur a menti et qui leur demandé de faire d’abord leurs preuves sur le plan social, professionnel. C’est alors à la technique, à la science de réparer le mal qui a été fait.
Et vite, car l’horloge tourne.
Raison pour laquelle certains gynécologues se laissent parfois gagner par cette anxiété et entreprennent peut-être trop rapidement dans certains cas, des mesures pour combattre cette infertilité, là où peut-être une meilleure explication éviterait la mise en route de PMA, ou toute autre technique.
La fameuse « iatrogénisation » des infertilités dont parlait le Pr Nisand lors de sa conférence inaugurale 2è Forum Européen de Biotéthique le 30 janvier 2012. 1 femme sur 7 passe entre les mains d’un « technicien » de l’infertilité de nos jours. Pour certains comme le Pr Friedmann ,c’est une femme sur 5 !
Est-ce trop ?
Parle-t-on trop rapidement d’infertilité chez une femme pour « perdre » moins de temps ?
Ou gagner plus ?
Cela explique-t-il la place prépondérante du FertilityCare qui se développe aux USA et qui commence à faire des adeptes en Europe ? Avec la bénédiction du Vatican ? (Instruction Dignitas Personnae publiée en 2008 par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi)
La mondialisation des techniques, la réglementation différente d’un pays à l’autre souvent voisin, le poids de l’argent, la pauvreté d’un pays, la diffusion sur le web des possibilités offertes est tel une boîte de Pandore : faire son marché.
Alternative à l’adoption qui demeure difficile et véritable ingérence des institutions (Conseil Général) pour l’accréditation, mais aussi regard des autres, les techniques de procréation médicalement assistée deviennent presque banales et seront peut-être un jour en vente sous forme de kit dans les supermarchés, comme en ce moment même les test de paternité qui sont en vente libre en Angleterre dans les rayons entre les cotons-tiges et les lingettes.
L’enfant dans tout ça ?
Est-il moins bien dans sa peau le bébé, l’enfant issu d’une PMA ? Non.
Est-il surinvesti par les parents ? Peut-être, mais cela arrive aussi sans PMA. L’âge des parents, toujours. Et leur propre histoire.
S’il y a don de gamète, voudra-t-il savoir un jour qui était le donneur ? Probable. Comme dans l’adoption, mais avec un regard différent : le sentiment d’abandon n’est pas le même.
A-t-il des problèmes de santé que les autres n’ont pas ? Peut-être un risque de naître prématurément un peu plus important que les autres, mais l’âge de la mère, toujours cette horloge. Son développement neurologique sera normal.
Tombe-t-il plus souvent malade ? Non
Ira-t-il voir plus souvent le psy ? Au vu de l’augmentation des consultations chez les psychiatres dans notre société, on peut dire que non. Les causes sont ailleurs.
Enfant d’un couple homosexuel : sera-t-il homosexuel lui-même ? On sait que non. Aura-t-il des troubles psy ? Tout dépend du comportement du couple, comme tous les couples. Nombre d’enfants nés d’un couple hétéro sexuel nécessitent une surveillance rapprochée, voire un retrait de la famille pour placement.
Enfant adopté ? Le pédiatre est informé. Enfant né par PMA ? Le pédiatre ne sait pas toujours.
C’est ainsi. L’enfant adopté, les parents en parlent, souvent avant qu’il ne soit définitivement intégré dans la famille adoptante : les futurs parents viennent demander des conseils au pédiatre.
En revanche, un enfant né par PMA, pourquoi en parler au pédiatre si la grossesse s’est bien passée ? C’est parfois par des recoupements, ou l’âge des parents ou une annonce tardive que le praticien l’apprend.
Des situations différentes se suivent à la consultation du spécialiste de l’enfance : fratries d’enfants adoptés, fratries mixtes (enfants adoptés et d’autres non), enfant adopté avec handicap mais les frères et sœurs non, enfant unique pour de bon, enfant placé par la justice au sein d’une famille biologique, ainé adopté et cadet né naturellement avec ou sans PMA, etc.
Les situations changent.
Les questions changent.
Mais la réponse demeure la même : avoir un enfant.
Et les mères très très jeunes ? Pensent-elles PMA ?
Parfois il nous arrive d’avoir une très jeune femme qui vient accoucher : 15 ans, voire 14. Passée à travers les mailles du filet de l’éducation préventive du planning familial et des collèges ? Pas toujours. Il est des situations où il y a un vrai projet de naissance. Un accompagnement familial. Un compagnon qui ne s’est pas sauvé. L’expérience montre que souvent leur propre mère a enfanté très très jeune également. Reproduction pour reproduire ce qu’on a connu ? J’en vois quelques unes dans l’année : la question de l’infertilité ne les a jamais effleurées : elles n’ont pas eu le temps…